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RATIFICATION PAR LA FRANCE DE LA CONVENTION DE LA HAYE SUR LA RECONNAISSANCE DES TRUSTS ETRANGERS

Sujet de l'édition 2019

Rédiger sous forme de texte législatif et/ou réglementaire la proposition ci-dessous tirée des travaux du 115ème Congrès des notaires de France.


Rappels:
Il ne s'agit pas d'écrire une dissertation ou un commentaire mais de rédiger un texte normatif tel qu'il serait s'il était inclus dans le Code civil ou d'autres textes. Les dispositions transitoires ne sont pas à prendre en considération. Il n’y a pas lieu de prévoir un exposé des motifs.

La documentation est libre.

En outre, la présentation de la proposition faite lors du Congrès a été reproduite ci-dessous.

L'épreuve a pour objet une sélection non par les connaissances mais plutôt par la capacité à écrire le droit d'une façon logique, juridiquement univoque (tout en respectant les règles de la langue française).

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115ème CONGRÈS des NOTAIRES de FRANCE
3ème COMMISSION, Valérie MARMEY-RAVAU & Frédéric VARIN
PROPOSITION POUR LA RATIFICATION PAR LA FRANCE DE LA CONVENTION DE LA HAYE RELATIVE À LA LOI APPLICABLE AU TRUST ET À SA RECONNAISSANCE


PRÉSENTATION de la PROPOSITION
Dans un environnement international, les juristes français sont depuis longtemps confrontés à des familles anglo-saxonnes ayant constitué un trust.
Qu’est-ce que le trust ?
Le trust, instrument par excellence fondé sur la confiance, est une institution étrangère, inconnue du droit français, par laquelle le constituant place des biens sous le contrôle d’un trustee, dans l’intérêt d’un bénéficiaire.
Je reviendrai ultérieurement sur une définition plus précise du trust.
Il existe une multitude de catégories et de sous catégories de trusts parmi lesquels on dénombre notamment : les trusts à cause de mort et les trusts inter vivos.
La plupart des problèmes rencontrés par les notaires se posent dans le contexte du trust à cause de mort et plus particulièrement, du trust testamentaire.
En matière successorale, le trust représente une modalité d'organisation de sa succession sur tout ou partie de son patrimoine.
La pratique notariale est confrontée depuis longtemps au trust, et une certaine adaptation du trust existe déjà dans le règlement des successions internationales.
Le problème de l'exécution sur des biens situés en France d’un trust testamentaire valablement établi selon une loi étrangère intervient fréquemment.
Cette question se pose notamment au stade de la publicité foncière.
Le trust n’ayant ni la personnalité juridique, ni la personnalité morale, il ne peut donc pas être titré en tant que tel.
Les bénéficiaires n’ont pas de pouvoirs sur les biens. La question du titrement ne se pose donc pas pour eux.
C’est le trustee qui nous intéresse.
L'institution du trust n'étant pas connue en France, comment assurer l'inscription du trustee vis-à-vis de la publicité foncière ?
À l'heure actuelle, certains services de publicité foncière sont réticents pour inscrire un immeuble au nom du trustee.
En pratique, le trustee peut être traité différemment selon le service concerné.
Face à la crainte d'un refus de publication au nom du trustee, certains praticiens inscrivent le trustee comme exécuteur testamentaire ou légataire universel.
Or, le trustee ne peut pas être assimilé à un simple exécuteur testamentaire, puisqu'il est juridiquement propriétaire des biens.
Il n'est pas non plus un légataire universel qui serait considéré comme un héritier ayant accepté purement et simplement la succession, et qui serait par conséquent tenu des dettes successorales sur ses biens propres.
Un tel résultat est contraire à la notion de trust qui sépare complètement le patrimoine personnel du trustee de celui du trust qu'il administre.
Cette dénaturation du trust n’est pas admissible.
La convention de La Haye du 1er juillet 1985 sur la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, représente une réponse concrète pour assurer l'inscription du trustee vis-à-vis de la publicité foncière.
La convention entrée en vigueur le 1er janvier 1992 est à ce jour ratifiée par 14 États dont l'Italie, le Liechtenstein, le Luxembourg, Monaco, les Pays-Bas, la Suisse... La majorité de ces pays sont des États frontaliers et de droit civil.
Le Congrès des notaires de France à Toulouse, en 1987, avait émis le vœu que cette convention soit signée et ratifiée par la France.
Ce vœu a été adopté à une très forte majorité et a été suivi de la signature de la convention le 26 novembre 1991. La ratification est quant à elle, jamais intervenue.
Toutefois, celle-ci a été évoquée encore récemment dans une réponse ministérielle du 5 mai 2016.
Que prévoit la convention ?
Cette convention n'a jamais eu pour but d'introduire le trust dans les pays de droit civil.
Elle vise à offrir à leurs juges, leurs notaires et praticiens les éléments essentiels leur permettant de mieux appréhender cette institution et d'en accueillir les effets sur leur territoire.
La convention définit les caractéristiques du trust, établit des règles de conflit sur la loi applicable au trust, et fixe les conditions et les limites de la reconnaissance des trusts valablement constitués à l'étranger.
L'article 2 de la convention définit le trust :
« Le terme trust vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d'un trustee, dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé ».
D'une manière surprenante, cette définition a été reprise sur le plan fiscal en France sous l'article 792 O bis I-1 du Code général des impôts.
Des règles de conflit communes relatives à la loi applicable au trust sont établies sous les articles 6 à 10 de la convention.
Plus principalement, l'article 6 consacre le principe d’autonomie de la volonté.
Le constituant a la faculté de choisir la loi applicable au trust sous réserve que la législation choisie connaisse l'institution du trust ou la catégorie de trust en cause.
L'article 11 pose le principe de la reconnaissance d'un trust. 
Quels sont les effets essentiels de cette reconnaissance ?
« La reconnaissance implique que les biens du trust soient distincts du patrimoine personnel du trustee et que le trustee puisse agir comme demandeur ou défendeur ou comparaître en qualité de trustee devant un notaire ou toute personne exerçant une autorité publique ».
L'admission de la qualité de trustee est un effet direct de la reconnaissance du trust.
Le notaire devra faire comparaître le trustee en tant que tel dans les actes auxquels celui-ci participe.
Cette reconnaissance implique notamment :
- que les créanciers personnels du trustee ne puissent pas saisir les biens du trust ;
- que les biens du trust soient séparés du patrimoine du trustee en cas d'insolvabilité ou de faillite de celui-ci ;
- que les biens du trust ne fassent pas partie du régime matrimonial ni de la succession du trustee ;
Un autre effet de la reconnaissance est mis en lumière par l'article 12 de la convention.
Il concerne directement la pratique notariale en prévoyant l'inscription de la qualité de trustee sur les registres officiels.
Selon ce texte, « le trustee qui désire faire inscrire dans un registre un bien meuble ou immeuble, ou un titre s’y rapportant, sera habilité à requérir l'inscription en qualité de trustee ou de telle façon que l'existence du trust apparaisse ».
Les articles 11 et 12 de la convention apportent une solution claire à la question de la publicité foncière.
Dans les pays de droit civil, la ratification impose que soient prises des mesures d'accompagnement à l’occasion de l’inscription du trustee sur des registres officiels. C’est ce qui a été réalisé en Italie, aux Pays bas, en Suisse ou encore au Luxembourg.

Si la ratification de la convention trust apporte une réponse utile pour la pratique notariale en matière de publicité foncière, elle peut néanmoins soulever une inquiétude.
Certains pourraient craindre que cette convention porte atteinte aux principes de la réserve héréditaire du droit français. Il n’en est rien !
Au contraire, la convention prévoit des mécanismes de protection de celle-ci.
Il en existe deux :
1/ Tout d’abord, la convention prévoit dans son article 13 une clause de sauvegarde concernant les États ne connaissant pas le trust.
Le trust constitué dans un pays ne connaissant pas cette institution ou la catégorie de trust créée, pourra être écarté s’il ne présente pas de lien suffisant avec la situation en cause.
Cette clause vise à éviter la constitution de trust frauduleux.
2/ Encore, l'article 15 réserve les dispositions impératives du for qui ne peuvent être mises en échec par la loi du trust.
Au nombre de celles-ci, l’article 15 prévoit la réserve héréditaire.
Grâce à ces deux mécanismes, la convention met en place une technique permettant de respecter l'institution spécifique du trust, tout en évitant que celui-ci soit utilisé dans des buts frauduleux, pour échapper par exemple aux dispositions de lois applicables à un autre titre, telle que la réserve reconnue par la loi successorale.
Prenons un exemple :
Une Française résidant depuis longtemps aux États-Unis, est décédée à New York le 1er juin 2018.
Elle avait établi un trust testamentaire à New-York, comprenant un compte et des valeurs mobilières dans une banque française.
Ce trust est valablement constitué selon la loi compétente, la loi de l’État de New-York, qui connaît le trust.
La succession est également régie par la loi de l'État de New-York.
Dès lors, la qualité et les pouvoirs des trustees seront reconnus en France et ils pourront gérer l'actif mobilier français.
En revanche, si ce même trust porte sur des immeubles situés en France. Ceux-ci, seront par renvoi de l'article 34 du règlement successions dévolus selon la loi française.
Or, si des héritiers réservataires avaient été exclus du bénéfice du trust, celui-ci ne pourra s'exercer sur les immeubles français que dans la limite de la quotité disponible, la réserve faisant partie des dispositions impératives de l'article 15 de la convention.
La crainte d'une utilisation du trust dans un but frauduleux se trouve ainsi écartée. Les notaires pourront accueillir les effets en France d'un trust valablement constitué à l'étranger dans un contexte « sécurisé », par le jeu des deux mécanismes que nous avons évoqués :
- La clause de sauvegarde
- Le respect de l'ordre public
La convention de La Haye ne règle pas tous les problèmes susceptibles de surgir et laisse une place à une certaine adaptation.
Elle représente néanmoins un instrument indispensable pour le notariat en apportant des solutions conformes aux nécessités de la vie internationale.
Les pays de droit latin l’ayant ratifiée l'ont bien compris.
Il est certain que la reconnaissance des effets du trust contribue au développement économique de leur pays.
Les trustees anglo-saxons investissent largement aux Pays-Bas, en Italie, au Luxembourg ou en Suisse et ne viennent pas faire fructifier leur patrimoine en France.
La ratification de la convention par la France permettra de développer de nouvelles activités économiques en attirant des fortunes gérées et des investissements opérés par le biais de trust soumis à un droit étranger.
Comme l'a écrit récemment le professeur Cyril NOURISSAT, notre rapporteur de synthèse : « L'affaire Johnny doit faire prendre conscience qu'il est grand temps d'abandonner le regard biaisé porté chez nous depuis plus de 25 ans sur la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance. »

ÉNONCÉ de la PROPOSITION

Considérant :

- Que la convention de la Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance a pour objectif principal de fixer les conditions et les limites de la reconnaissance des trusts valablement constitués à l'étranger et qu’elle ne permet pas de constituer des trusts en France ;

- Qu'il sera possible de donner effet en France aux trusts valablement constitués à l'étranger, et ainsi de résoudre les nombreuses difficultés rencontrées par la pratique notariale au stade de la publicité foncière ;

- Qu'elle met en place une technique permettant de respecter l'institution spécifique du trust, tout en évitant par deux mécanismes que celui-ci soit utilisé dans des buts frauduleux, pour échapper par exemple aux dispositions de lois applicables à un autre titre, telle que la réserve reconnue par la loi successorale ;

- Que cette convention représente, comme l'ont bien compris les États européens de droit latin qui l'ont ratifiée, un instrument indispensable pour le notariat en apportant des solutions conformes aux nécessités de la vie internationale ;

- Qu'il est certain que la reconnaissance des effets du trust contribue largement au développement économique d'un pays en favorisant les investissements par les trustees ;


Le 115ème congrès des notaires de France propose :

  •  La ratification par la France de la convention de la Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.
  •  Qu'en conséquence, soient prévues des mesures législatives et réglementaires d'accompagnement et notamment une adaptation des textes relatifs à la publicité foncière.

 

Pour mémoire la convention de la Haye du 1er juillet 1985 peut être lue ici : https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/full-text/?cid=59 
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